Quel est votre vin préféré ? Le mien est sans conteste* le champagne.
Son histoire ne manque pas de mystère. Invention du moine Dom Pérignon, ou fruit d’un heureux accident ? Qu’importe* si on sait l’apprécier…
Selon la légende, Dom Pérignon aurait dit « Venez mes frères, je bois des étoiles ! » après avoir goûté le premier verre et cela, on veut bien le croire ! Car pour les vrais amoureux, peu de plaisirs rivalisent avec la dégustation d’un excellent champagne.
En guise d’apéritif, voici une petite introduction pour vous initier :
Et puis, pour rendre hommage à l’exquis breuvage, quoi de mieux que de célébrer sa poésie par les arts ? J’ai donc choisi de vous présenter un tableau et un extrait de roman qui mettent le champagne à l’honneur*.
Ivresse* picturale : le champagne en peinture
« Le déjeuner d’huîtres » a été commandé par Louis XV pour décorer sa salle à manger où il invitait ses amis après la chasse.
On assiste à l’un de ces repas. Les hommes mangent des huîtres, dont les écailles* sont jetées au sol. Ils utilisent de la vaisselle d’argent massif. Ce type de vaisselle sera beaucoup fondu* à la Révolution.
Vous pouvez voir sur la table de petits bols en porcelaine blanche (japonaise ou de Chantilly) appelés « rafraîchissoirs ». Les verres ou les bouteilles ne devant pas toucher la table à cette époque, ils servaient à poser les verres et à les rincer.
Ce tableau a été peint une cinquantaine d’année après l’invention du Champagne et en est l’une de ses premières représentations picturales.
Voyez-vous le bouchon projeté en l’air et les regards surpris tournés vers lui ?
Ivresse romanesque : le champagne en littérature
L'ivresse ne s'improvise pas. Elle relève de l'art, qui exige don et souci. Boire au hasard ne mène nulle part.
Si la première cuite* est si souvent miraculeuse, c'est uniquement grâce à la fameuse chance du débutant : par définition, elle ne se reproduira pas.
Pendant des années, j'ai bu comme tout le monde, au gré des soirées, des choses plus ou moins fortes, dans l'espoir d'atteindre la griserie* qui aurait rendu l'existence acceptable : la gueule de bois* a été mon principal résultat. Je n'ai pourtant jamais cessé de soupçonner* qu'il y avait un meilleur parti à tirer de cette quête.
Mon tempérament expérimental a pris le dessus. À l'exemple des chamans amazoniens qui s'infligent des diètes cruelles avant de mâchouiller* une plante inconnue dans le but d'en découvrir les pouvoirs, j'ai eu recours à la technique d'investigation la plus vieille du monde : j'ai jeûné*. L'ascèse est un moyen instinctif de créer en soi le vide indispensable à la découverte scientifique.
Rien ne me désole plus que ces gens qui, au moment de goûter un grand vin, exigent de «manger un truc» : c'est une insulte à la nourriture et plus encore à la boisson. «Sinon, je deviens pompette*», bredouillent-ils*, aggravant leur cas. J'ai envie de leur suggérer d'éviter de regarder de jolies filles : ils risqueraient d'être charmés.
Boire en voulant éviter l'ivresse est aussi déshonorant que d'écouter de la musique sacrée en se protégeant contre le sentiment du sublime.
Donc, j'ai jeûné. Et j'ai rompu le jeûne avec un veuve-clicquot. L'idée était de commencer par un bon Champagne, la Veuve ne constituait pas un mauvais choix.
Pourquoi du Champagne ? Parce que son ivresse ne ressemble à nulle autre. Chaque alcool possède une force de frappe* particulière ; le Champagne est l'un des seuls à ne pas susciter de métaphore grossière. Il élève l'âme vers ce que dut être la condition de gentilhomme à l'époque où ce beau mot avait du sens. Il rend gracieux, à la fois léger et profond, désintéressé, il exalte l'amour et confère de l'élégance à la perte de celui-ci. Pour ces motifs, j'avais pensé qu'on pouvait tirer de cet élixir un parti encore meilleur.
Dès la première gorgée*, j'ai su que j'avais raison : jamais le Champagne n'avait été à ce point exquis. Les trente-six heures de jeûne avaient affûté* mes papilles* gustatives qui décelaient* les moindres saveurs de l'alliage et tressaillaient* d'une volupté neuve, d'abord virtuose, bientôt brillante, enfin transie.
Pétronille, Amélie Nothomb.
Il ne reste plus qu’à trinquer : « A votre santé ! »
Vocabulaire
Sans conteste : without a doubt, unquestionably
Qu’importe ! : It doesn’t matter !
Mettre à l’honneur : to showcase
Ivresse (f) : drunkenness
Écaille (f) : shell
Fondre : to melt
Cuite (f) : état après avoir trop bu (familier)
Griserie (f) : légère ivresse
Gueule de bois (f) : hangover
Soupçonner : to suspect
Mâchouiller : to mumble on
Jeûner : to fast
Pompette : tipsy
Bredouiller : to mumble, mutter
Force de frappe (f) : strike force
Gorgée (f) : sip
Affûter : to sharpen
Papille (f) : taste bud
Déceler : to detect
Tressaillir : to quail, to twitch
Pour aller plus loin
Si vous en avez l’occasion, visitez la Champagne : Reims (à seulement 45 minutes de Paris), Epernay… Vous pourrez y découvrir les différentes maisons de Champagne, en savoir plus sur leur histoire et le procédé de fabrication.
Vous pourrez notamment découvrir les superbes caves de la maison Ruinart qui est la plus ancienne maison de Champagne (fondée en 1729).